L’arrivée
dans un nouveau pays est toujours délicate. Les premières impressions tiennent
une place importante dans le ressenti du voyageur. Et souvent, c’est donc les
premières images, à la sortie de l’aéroport, qui donnent le ton. Mon avion
arrive en plein après-midi. Je suis accueilli par un chauffeur RioTinto et une
pluie battante, impressionnante. Ma première impression, c’est donc celle-là,
la traversée du parking de l’aéroport avec mon sac sur le dos, sous une pluie
si forte qu’on en ressent le poids. Je me dis qu’en 100 mètres je ne risque
rien à ne pas mettre l’imperméable. Je m’en souviendrai 1 heure plus tard quand
je sortirai la moitié de mes vêtements à sécher.
Aperçu de la pluie et de son effet sur une rue du centre ville
1 heure, c’est bien ce qu’il faut pour faire les quelques kilomètres qui séparent l’aéroport de mon premier logis (un hôtel). La circulation est un des aspects majeurs de Conakry, combinée aux conditions météo, c’est elle qui décide si la journée de travail est un échec ou une réussite. Mais j’y reviendrai, ça mérite bien un article entier. Mon premier voyage dans la navette RioTinto est une découverte brutale de la vie dans cette métropole africaine
La plupart
des gens présents dans le centre – dont des migrants des zones rurales où
le concept d’Economie n’a pas pointé le bout de son nez – vivent dans des
logements improvisés au bord des routes. Certains habitent dans des petites
maisons sans portes ni fenêtres (sans électricité ni eau, sans doute), d’autres
ont construit des « extensions » aux bâtiments avec des planches en
bois, des tôles, ou des bâches tendues avec des bâtons. Les possessions de ces familles se comptent sur les doigts de la main, et ces possessions semblent
définir une part d’identité des gens de la rue. Celui qui possède une télé
accueille les jeunes le soir, celle qui possède des ustensiles de cuisine vend
de la nourriture. La Guinée est, pour des raisons historiques, un des pays les
plus pauvres du monde. Lors de son indépendance (1958),
la Guinée a refusé de faire partie de l’entente économique France – Afrique
proposée par De Gaulle. Pendant que la Côte d’Ivoire et le Sénégal profitaient
d’un tout relatif développement économique, la rebelle Guinée sympathisait avec
le bloc communiste (c’est pas de chance quand même) et se faisait devancer par
ses illustres voisins. Enfin bon, l’Afrique de l’Ouest ça reste
fair-play : la Côte D’Ivoire a eu sa guerre civile, le Libéria a fait fort
avec un des champions du monde des dictateurs (Charles Taylor). Le Mali s’est
distingué récemment avec ses Touaregs qui défoncent Tombouctou à coups de
pioche. Donc au final, même si la Guinée est un pays assez stable depuis
seulement 2 ans (oui hein parce que les manifestants se faisaient tirer dessus
en 2009), elle ne s’en sort pas trop mal. En plus, sa pluie abondante lui
permet de donner à manger à ses habitants, et aux enfants la force de jouer au foot. Les matches se jouent dans la rue, et ma navette
attend que les équipes lui fassent un passage.
La rue, c’est la vie. Les gens n’en
ont pas peur, les femmes traversent la seule autoroute avec des énormes
plateaux remplis de fruits sur la tête, une prouesse que l’on ne peut observer
qu’en Afrique. Faute d’avoir des jardins et des salons, tout se passe dans la rue. Les
gens vont et viennent, je me demande ce qu’ils peuvent bien tous faire. Pour
commencer, un bon quart de tous ces gens se ballade avec un stock de
marchandises à vendre : des bouteilles d’eau, du manioc, du pain. Comment
peuvent-ils tous avoir des clients ? Ces super-urbains font partie des
plus pauvres de la ville, et ce serait une erreur que de ne pas mentionner les habitants plus riches, qui habitent dans des appartements et des maisons, mais que l'on voit moins au début. Conakry est
un prisme qui nous présente l’intégralité du spectre de la richesse matérielle.
Pendant mon séjour ici, je serai d’ailleurs moi-même un expat’ aisé, logé dans
une résidence et disposant de chauffeurs RioTinto pour me rendre au travail ou
sortir le soir. Il faut que je prenne cette place sans arrière-pensée ni remords, parce que les inégalités
culturelles ou sociales ne se discutent pas. On ne change pas les conditions
initiales.
Arrivé à l’hôtel, je sors le contenu de mon sac à sécher. Je me
rends compte que mon huile essentielle à la citronnelle anti-moustiques (Nature
& Découvertes ©) a éclaté et a méchamment imbibé toutes mes affaires.
J’atteste dans cet article de l’intensité de cette huile essentielle, après 3
semaines passées sur place j’en ai encore les yeux qui piquent. Mon sac à dos
quant à lui repoussera les moustiques pendant plusieurs générations.