lundi 13 août 2012

Les sorties sont rares




Ma deuxième rotation à Conakry est pour l'instant la plus tranquille. La Guinée est un pays majoritairement musulman. Le Ramadan bat son plein et les Guinéens terminent leur journée à 16h, les cantines limitent leur carte à quelques plats, les bars et les restaurants sont vides. C'est dans la rue, encore, que tout se passe. Les étals vendant de la nourriture fleurissent au bord de l'autoroute, les vendeurs à la sauvette profitent des embouteillages monstrueux de la fin de la journée pour gagner leur vie : des dizaines de jeunes se promènent entre les voitures avec des fruits du pain, des cacahuètes, des poulets vivants et même des lapins. Ces marchés sont monnaie courante à Conakry, et en général la façon la plus simple de se procurer quelque-chose d'introuvable est de rentrer dans un embouteillage. Dans les quartiers "riches" de la ville, les embouteillages se transforment en supermachés "spécial expat", on peut y acheter de la lessive, des cintres, des cartes téléphoniques, des souvenirs, des sprays anti moustique et des CD de musique africaine kitsch. Il est possible de meubler un appartement sans sortir de la voiture.
 
Si les marchés de rue s'agitent pendant la journée, c'est pour préparer la rupture du jeûne à 19h20, lorsque le soleil se couche. Les familles achètent la nouritture la plus copieuse qu'ils peuvent se permettre pour ce mois qui est pour eux très spécial. La plupart de ces familles mangeront cependant de la bouillie aux céréales, et se permettront de la viande ou du poisson à la fin du Ramadan. Pour me rapprocher de mes collègues de bureau, j'ai d'ailleurs moi-même fait le jeûne vendredi dernier. J'ai beaucoup ramé le matin, mais j'ai réussi à tenir pas trop mal l'après-midi, et c'est l'esprit ramolli mais content que je dévorais mon repas du soir.
 
Cette période accentue encore plus le côté "sous-marin" de ma vie d'expatrié à Conakry. Mes bureaux se trouvent à 2 minutes de marche de ma résidence (assez luxueuse pour l'endroit, et assez fermée du monde extérieur), et je n'ai pas le droit d'utiliser d'autres voitures (taxis, voitures de location) que les voitures RioTinto, avec chauffeurs dévoués. D'ailleurs nous avons depuis peu un couvre-feu à 22h30, au delà duquel aucune voiture ne peut nous transporter. Par conséquent, les sorties tardives sont rares. Par contre, elles sont mémorables.
 
Il est jeudi soir, il ne pleut pas à Conakry. Nous sortons pour fêter le départ d'une collègue. Après un apéritif en bord de mer, nous décidons d'aller en boîte de nuit. Le choix se porte sur le "Select", une boîte VIP dans laquelle les blancs sont bien sûr tous les bienvenus, et leurs portefeuilles aussi. Cette boîte s'organise un peu différemment qu'une boîte française. C'est un espace circulaire de 2 étages, occupé en son centre par une scène musicale à 360°. Le chanteur, Sylane, et son groupe, alternent entre Reggae et chansons africaines. Les VIP guinéens présents au balcon au dessus de la scène sortent des liasses de billets de 500 francs guinéens (5 centimes) et les lancent sur le groupe, créant une pluie de billets de banque comme on n'en voit que dans les films. Le groupe pourra garder l'argent, mais doit chanter des louanges au nom du donateur. Ainsi, selon la générosité du quidam, certaines chansons (improvisées) durent plusieurs dizaines de minutes. J'observe le batteur avec attention et scepticisme : il tient ses baguettes à l'envers, et son visage endormi démontre une certaine torpeur. Son style défie toutes les règles de base de la batterie, et pourtant, ça marche. Pour terminer son concert, le groupe entonne "We are the world", repris en choeur par la foule du Select. Ce moment est juste parfait et remporte la médaille d'or de l'ironie. Je suis bien en Afrique.
 
 
Almost fun facts:
  • L'âge moyen du premier enfant pour les femmes est de 16 ans
  • Un des quartiers de la ville s'appelle Tombo. Il y a là bas une pharmacie, qui s'appelle donc la Pharmacie Tombo
  • Il y a plein de cochons dans les rues. Ce sont les cochons de Guinée. Les fameux, les célèbres, les Guinea Pigs. Je sors cette blague à tout le monde ici, personne n'a encore ri. Mais je persiste.
  • La bière la plus prisée s'appelle la Guiluxe, comme Guinée et Luxe, mais du coup chaque bière me fait penser à Intervilles

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