dimanche 23 septembre 2012

Journée presque type à Conakry (2/2)


Petite rue de Conakry

Je sors de notre cantine préferée. Le chauffeur RioTinto nous a attendu, et a pris quelque chose à grignoter dans une gargotte au bord de la route. Parfois, un consultant l'invitera à prendre le déjeuner avec nous. Je suis personellement opposé à cette pratique, qui sonne comme une faveur et qui créée des inégalités au sein de l'équipe des chauffeurs. D'une façon générale, mon expérience au Vanuatu m'a appris que la charité recèle de nombreux pièges dans lesquels il est très facile de tomber. J'ai pu par exemple constater les tensions naissant entre communautés lorsqu'une ONG implémentait 1 projet d'eau potable et d'assainissement dans un lieu, mais ne se préoccupait point du village voisin. En bref, je suis à ce jour en pleine réflexion à propos des façons "vertueuses" d'être généreux envers ceux qui possèdent moins.

Nous rentrons au bureau. Après un café et quelques mails, nous décidons d'aller visiter un ministère en ville pour déposer une lettre officielle. Et oui, il n'y a pas de service de poste performant et la seule façon (ou en tous cas la plus fiable) d'avoir des communications formelles avec le gouvernement est de se transformer en coursier de luxe. La lettre est adressée à Son Excellence Monsieur... Diallo. Cela vous rappelle quelque chose ? Sûrement. Il faut savoir que la Guinée comporte 3 ethnies majoritaires, ayant des dialectes et des histoires différentes : les Peul, les Malinké et les Soussou. Chaque ethnie a donné naissance à un certain nombre de patronymes. Par rapport aux standards français, ce nombre est... bas. Selon des estimations, le nom Diallo est par exemple porté par pas moins de 10% de la population. Parmi les noms les plus répandus, on compte aussi les Bah, Touré, Barry, Fofana... Le patronyme communique instantanément l'ethnie d'appartenance d'un individu, et peut déterminer le comportement d'un autre Guinéen vis à vis de cet individu ! 

Je me trouve à nouveau dans la voiture, la fameuse lettre en main, à parcourir les rues du centre ville de Conakry. La circulation est difficile, les bouchons sont encore et toujours un grand classique de la ville. Et comme toujours, les vendeurs mobiles spécialisés dans la tranche de marché "expatriés coinçés dans embouteillages" nous proposent un choix de produits alimentaires ou pas. Aujourd'hui j'ai le choix entre des CD de Mariah Carey, des cintres, et des pâtes.

Vendeuses d'embouteillage


Nous passons dans le quartier Tombo (et un de mes endroits préferés, la Pharmacie Tombo, il faut que j'en prenne une photo) et nous finissons par arriver au ministère. Le contraste avec le bureau où je travaille est saisissant. Les couloirs sont en rénovation, beaucoup de bureaux ne sont pas bien équipés. La climatisation est réservée à l'élite. C'est simple, l'entreprise minière qui s'installe en Guinée a bien plus de moyens financiers que le gouvernement duquel elle dépend pour exploiter la ressource nationale. Cette relation économique est bizarre et impacte notre travail au quotidien.

Une fois la lettre déposée et quelques mots échangés avec l'administration, nous repartons vers le bureau. Pas de chance, il est 16h et tout le centre ville rentre à la maison. Il n'y a pas d'astuce, pas d'itinéraire bis, pas de raccourci. Une seule route ramène tout ce beau monde vers l'intérieur des terres, la corniche (voir la carte de la ville dans un précedent message). Sans surprise, ça ne marche pas très bien et il nous faut plus d'une heure pour rentrer.

En bonus : Un bus à Conakry. Notez la différence de niveau au dessus des roues... 


Après la journée de travail et un peu de repos (passé à essayer de capter un internet correct), nous décidons de sortir. Après tout il est jeudi, et Cylane fait son concert hebdomadaire au "Select". Il faut retourner au centre ville mais la circulation se fait plus facilement. Faut-il encore se faufiler à travers les matches de foot improvisés par les enfants, qui ont installé leurs petites cages faites maison sur la route (dans une ville aussi compacte, la rue est un des seuls endroits à avoir l'espace nécessaire à un match de foot). Alors que notre 4x4 avance, c'est à peine si leur match s'interromp, les enfants sont insouciants. 

Nous arrivons au Select. Le concert commence, très agréable comme toujours. Soudain, un évènement imprévu se produit. Tout le courant est coupé, la boîte de nuit est plongée dans l'obscurité. Il y a un moment de flottement, mais petit à petit plein de petits points de lumière, des téléphones portables, s'allument et éclairent l'espace fermé du Select. La musique n'a jamais cessé. Certes, le clavier, le micro et la guitare ne marchent plus, mais le batteur a continué, imperturbable. Il commence donc un solo fou, qui durera jusqu'au retour du courant, 5 minutes plus tard. Soucieux de combler son public, le chanteur (aveugle, ne l'oublions pas) se tourne vers la batterie. Il tâtonne, et positionne ses mains sur les toms supérieurs de la batterie. Son batteur, sans s'arrêter, lui passe une baguette de rechange, entourée d'environ 17 couches de scotch. Le chanteur, maintenant armé d'une baguette et d'une main vide, rejoint le batteur dans sol solo. Nous assistons, médusés, à un concert de percussion improvisé de 2 personnes, placées des 2 côtés de la batterie. Le tout dans l'obscurité interrompue seulement par quelques téléphones portables. Lorsque l'électricité revient, le chanteur reprend sa place tant bien que mal et le groupe reprend la chanson là où elle s'était interrompue 5 minutes avant. Ce moment magique reste à ce jour un de mes préferés ici.

L'arène musicale du Select